Route Kinshasa-Matadi : Des fonds publics détournés au profit d’hommes d’affaires et des officiels congolais (Enquête)

Route Kinshasa-Matadi. Ph Deskeco
Route Kinshasa-Matadi. Ph Deskeco
PAR Deskeco - 18 juil 2025 14:28, Dans Corruption

Une enquête réalisée par la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF), en partenariat avec Le Soir, De Standaard, et l’OCCRP, révèle que des ressources publiques, impliquant plusieurs millions de dollars américains, ont bénéficié à des individus dans le projet de construction de la route nationale n°1 Kinshasa-Matadi, au détriment d’une grande partie de la population, depuis 2008.

Les travaux, réalisés par un consortium représenté par un puissant homme d'affaires chinois, Cong "Simon" Maohuai, réputé pour ses liens étroits avec la famille de l’ex-président Joseph Kabila, ont coûté jusqu’à 514 millions de dollars américains.

La société privée de l’homme d’affaires chinois, la SOPECO (Société des péages du Congo), travaille dans le cadre d’un PPP (Partenariat public-privé) de type BOT (construction-exploitation-transfert) pour l’exécution des travaux depuis 2008. La SOPECO et ses partenaires préfinancent les travaux avant de récupérer l’ argent par la perception des droits de péage sur la route.

Selon l’enquête, l’une des sociétés sous-traitantes utilisées par la SOPECO est la « SIC », une entreprise privée créée en mai 2019, ayant obtenu des contrats sur le projet d’autoroute pour un montant total de 70 millions de dollars, seulement un mois après sa création.

« À l’époque, une entreprise familiale contrôlée par le sénateur Guy Loando et son épouse détenait 35 % des parts de la SIC », indique la plateforme PPLAAF.

L’enquête cite un rapport confidentiel de l’IGF de 2021 sur le projet de route Kinshasa-Matadi, qui a révélé que les budgets des projets autoroutiers, y compris les travaux sous-traités par la SIC, étaient exagérément gonflés de plusieurs dizaines de millions de dollars. L’IGF avait même recommandé des poursuites judiciaires contre Cong "Simon" Maohuai et un certain nombre de fonctionnaires pour détournement de fonds publics.

Cette situation est d’autant plus inquiétante pour un pays comme la RDC, « déjà confronté à des conflits armés, une crise humanitaire et une instabilité politique », déplore PPLAAF.

« L’infrastructure devient bien plus une question de survie que de développement. Des infrastructures fiables permettent aux citoyens de construire leurs communautés et de façonner leur avenir. À l’inverse, des routes de mauvaise qualité limitent l’accès à des services essentiels tels que la santé, l’éducation ou l’emploi, tout en augmentant le coût des biens et en isolant les zones rurales et sous-développées. La corruption ne représente donc pas seulement une perte de fonds publics, mais aussi une perte d’opportunités – pour les Congolais et pour leur pays », explique PPLAAF.

Bruno Nsaka

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