RDC : l'Institut de recherche Ebuteli établit un rapport entre la pauvreté des chefs coutumiers et leur vulnérabilité à la corruption

Photo d'illustration
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PAR Deskeco - 26 sep 2025 13:42, Dans Actualités

Dans sa note d'analyse présentée jeudi sur le pouvoir coutumier, politique et corruption, l'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence (Ebuteli) établit un lien entre la pauvreté des chefs coutumiers et leur vulnérabilité à la corruption. C'était au cours d'un forum public organisé à Kinshasa, dans le but de discuter du rôle politique des autorités coutumières en RDC qui les expose à la corruption, et de suggérer des solutions devant renforcer l’engagement des autorités coutumières dans la lutte contre la corruption.

"Du point de vue légal, l'État congolais reconnaît aux chefs coutumiers un certain nombre de droits tels qu'une rémunération décente, des frais de représentation et autres avantages dus aux animateurs des entités territoriales (soins de santé, frais funéraires). Mais comme nous le savons tous, le même État peine généralement à respecter ses engagements. On a actuellement des efforts qui ont été fournis parce qu'il y a des chefs coutumiers qui ont été payés. Mais combien gagnent-ils ? C'est faible, la rémunération des chefs coutumiers : une centaine de dollars. C'est déjà un souci : les chefs gèrent des populations et 70 % de ces populations sont en milieu rural, ça veut dire que ces populations pèsent sur les chefs coutumiers (...) Et quand les chefs coutumiers manquent du minimum, ils se tournent vers des acteurs politiques", a expliqué le directeur du pilier Gouvernance au sein de ce think tank, le professeur Jolino Malukisa.

Partant de la même note d'analyse, le professeur Jolino Malukisa établit aussi un lien entre les chefs coutumiers potentiellement instrumentalisés par les pouvoirs politiques et un autre lien entre conflits politiques et corruption des chefs coutumiers ainsi que leur compétition d'accès aux ressources naturelles.

Il a, à cet effet, formulé des recommandations politiques et institutionnelles en vue d’une meilleure reconnaissance et régulation du rôle des autorités coutumières : la suppression du mandat électoral des chefs coutumiers ; que les chefs coutumiers mènent une action collective afin d'amener l'État à honorer ses engagements ; révision de la loi de 2015 fixant le statut des chefs coutumiers afin qu'ils soient redevables vis-à-vis des populations qu'ils gèrent.

Pour sa part, le président du Conseil supérieur des autorités traditionnelles et coutumières, Sa Majesté Mfumu Difima Ntinu, s'est penché sur la déstabilisation du pouvoir coutumier par le pouvoir politique. 

"Les chefs coutumiers n'ont pas de salaire, seulement une prime ; la République ne protège pas les chefs coutumiers...", a-t-il déploré.

En RDC, la relance des élections en 2006 a redéfini les rapports entre la sphère coutumière et la sphère politique. L’organisation des élections directes et indirectes a considérablement accru les enjeux politiques des autorités coutumières. Celles-ci figurent désormais parmi les électeurs des gouverneurs et des sénateurs. La fragmentation de la légitimité des dirigeants politiques congolais crée un contexte favorable à l’engagement politique des chefs coutumiers, sollicités par les partis et les regroupements politiques du pouvoir et de l’opposition. Même dans les grandes villes du pays, et surtout à Kinshasa, les chefs coutumiers conservent une certaine influence politique. Dans ce contexte, loin d’incarner uniquement leur rôle apolitique, les chefs coutumiers apparaissent désormais comme des courtiers de votes et des relais de mobilisation lors des élections.

Au-delà du cadre électoral, les conflits locaux (fonciers, communautaires ou liés à l’accès aux ressources naturelles) accentuent également la politisation des autorités coutumières.
Le pouvoir coutumier soulève une autre préoccupation en ce qui concerne notamment les lotissements anarchiques et l’exploitation (légale ou illégale) des ressources naturelles au centre des luttes de pouvoir des acteurs étatiques et non étatiques. Très souvent, les chefs coutumiers deviennent des acteurs dans la négociation des rapports de force.

Ce forum a réuni des chefs coutumiers, des experts, des représentants d’institutions publiques, des chercheurs, des leaders politiques et de la société civile.

Bienvenu Ipan

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