RDC : les 10 péchés du gouvernement dans la riposte contre le covid-19

PAR Deskeco - 21 avr 2020 09:43, Dans Actualités

La pandémie au coronavirus continue son expansion en RDC. Le pays enregistre un des plus bas taux de guérison sur le continent, soit environ 10%, alors que la moyenne en Afrique est autour de 25% avec de pic de 60% au Sénégal.  Alors que Docteur Muyembe prévoit le pic de contamination dans la première quinzaine de mai, il est temps que le gouvernement change son fusil d’épaule pour mener une vraie riposte contre le coronavirus en RDC.

Jusque-là, la RDC a enregistré trop de ratés durant la riposte contre le covid-19. Une communication catastrophique du ministre de la Santé, une prise en charge déficiente des patients au covid-19 dans les hôpitaux, un faible budget alloué à la riposte, une absence déconcertante de la coordination des aides destinées à la riposte, un manque de pro-activité dans la prise de décision qui a conduit au retard dans la suspension des vols internationaux, à l’isolement de Kinshasa ou encore à l’indifférence dans la réduction du train de vie des institutions de la République, sont autant des péchés du gouvernement Ilunkamba qui est loin d’être à la hauteur des défis de la lutte contre le coronavirus.

DESKECO.COM recense donc ici les 10 péchés du gouvernement dans la riposte contre le coronavirus en RDC.

  1. Une communication « catastrophique » dès le début et durant tout le premier mois. Le ministre de la Santé est le maillon faible dans la riposte au covid-19 en RDC. Et cela dès le début. Outre ses tâtonnement inexcusables sur la nationalité du premier contaminé, il a géré pendant environ trois semaines la communication sur le coronavirus en RDC à travers son compte Twitter privé, du reste non certifié et donc susceptible d’être piraté à tout moment. Par une communication approximative et non transparente sur les faits réels de terrain, le ministre de la Santé a perdu toute crédibilité dans l'opinion au point que la grande majorité des Kinois récusent même l’existence de cette pandémie qui est réelle dans la capitale. Depuis le 10 mars, date du premier cas enregistré en RDC, le président de la République, Félix Tshisekedi, s’est adressé au Congolais que deux fois à la télévision, à travers des discours préenregistrés et non en direct. Le chef de l’Etat n’a tenu aucune conférence de presse sur la pandémie en RDC avec les journalistes pour parler de la gravité de cette crise. Dans le monde entier, la riposte contre le covid-19 est pilotée par le chef de l’Etat. En France et aux USA, on voit  Macron et Trump quasiment toutes les semaines s’adresser à leur population. En RDC, il manque un leadership dans la riposte contre le coronavirus.
  2. Retard dans la fermeture des frontières internationales. La RDC a connu son premier casde coronavirus  le 10 mars et devenait le 10ème pays en Afrique à être contaminé majoritairement par des cas importés de l’Europe. Cependant, le chef de l’Etat n’a suspendu les vols internationaux que le 20 mars, soit dix jours après avoir enregistré le premier cas. Ce retard dans la suspension des vols en provenance de l’Europe a naturellement contribué à l’importation d’autres cas contaminés au covid-19. La RDC a attendu jusqu’à enregistrer 14 cas pour suspendre les vols de l’Europe alors qu’il y a des pays africains comme le Tchad qui a suspendu les vols en provenance des pays à risque avant même de connaitre un seul cas. Simplement parce que tout le monde savait que le danger venait de l’Europe, en tout cas en ce qui concerne les Etats africains. Aujourd’hui, le Tchad n’a enregistré au total que 33 cas confirmés au coronavirus. Et donc rien n’a justifié le retard avec lequel la RDC a fermé ses frontières, bien après même Schengen qui a suspendu les déplacements en son sein, et aussi bien après SN Bruxelles qui avait suspendu ses vols entre l’Europe et l’Afrique vers mi-mars suite à la montée des cas au coronavirus sur le vieux continent.
  3. Faiblesse du budget alloué à la riposte. Les leçons tirées par les experts du FMI de l’expérience chinoise dans la lutte contre le coronavirus, c’est qu’il faut mettre tous les moyens dès le départ pour endiguer la propagation de la maladie, vulgariser les mesures de prévention et les gestes barrières. En RDC, le gouvernement Ilunkamba fait le chiche. Il a débloqué pour cette crise 1,8 million USD, soit le plus petit budget décaissé par un pays africain. Jusqu’à il y peu, le ministre de la Santé soutenait encore que le gouvernement est arrivé à 3 millions USD de budget. La faiblesse du budget destiné à la riposte a été à la base de la prise en charge déficitaire des patients de covid-19 dès le début et se poursuit jusqu’à maintenant mais aussi à la base des couacs dans le suivi des contacts des cas contaminés.
  4. Prise en charge médiocre des patients. Des témoignages font état des malades qui passent 5 jours sans être assistés alors qu’ils sont dans les hôpitaux choisis par le gouvernement pour la prise en charge. Si la RDC n’est pas en mesure de prendre en charge quelques dizaines de malades quand sera-t-il quand le nombre va arriver à 1000 patients ? La RDC est si pauvre pour manquer même des comprimés à donner aux malades ?
  5. Retard dans l’isolement de Kinshasa. Quand le gouvernement décide d’isoler Kinshasa, la capitale compte déjà 45 contaminés, sans compter plusieurs milliers des contacts des contaminés à suivre. Alors que des partis politiques, même le PPRD, des ONG, des députés et sénateurs ne cessaient de réclamer plusieurs jours avant l’isolement de Kinshasa et la fermeture des frontières nationales, le président n’a accédé à cette demande que le 24 mars. Aujourd’hui, le pays compte 5 provinces contaminées.
  6. Absence de coordination des aides destinées à la riposte. Cette crise passe pour être la plus grave de l’histoire du monde moderne. Elle mérite donc que les Etats conjuguent tous les efforts pour minimiser les conséquences fâcheuses attendues. Cependant, en RDC cette crise est loin d’être une priorité, à observer les agissements de l’Exécutif national. Alors que des partenaires extérieurs, des entreprises opérant en RDC et des personnes de bonne volonté se manifestent en donnant leurs contributions tant financières que matérielles, il manque curieusement une coordination de toutes ces aides. Le président de la République a créé un Fonds national de solidarité dans la riposte contre le covid-19 mais le gouvernement n’y a mis à ce jour aucun rond. Pire, alors que le Fonds est déjà créé par une ordonnance depuis deux semaines, ses membres n’ont jamais été nommés à ce jour. Qui sont les donateurs ?  À combien ont-ils contribué chacun ? Les sommes collectées actuellement sont estimées à combien ?  Comment sont dépensées ces contributions ? Toutes ces questions demeurent sans réponse à ce jour. D’où, il y a absence de coordination de toutes les aides destinées à la riposte et surtout les Congolais n’ont aucune visibilité des dépenses du gouvernement dans le cadre du covid-19.
  7. Aucun membre du gouvernement n’a renoncé à une partie de ses émoluments pour financer la riposte. Au Kenya, le président de la République et des ministres ont renoncé à une partie de leurs émoluments pour contribuer au fonds de la riposte de la pandémie dans le pays. C’est un geste qui témoigne de la solidarité de ces dirigeants envers le peuple qui fait face à cette pandémie, et surtout les populations les plus démunies. En RDC, aucun membre de l’Exécutif national n’a osé faire ce geste. Seulement, certains députés et sénateurs qui ont manifesté ce genre de largesse envers ceux qui sont les plus frappés par le covid-19. Pire, le gouvernement est resté sourd à toutes les déclarations des ONG et acteurs politiques demandant la réduction du train de vie de l’Etat afin de maximiser les moyens pour lutter contre le coronavirus. A croire que le gouvernement entend continuer à jouir de tous les avantages comme si le pays n’est pas frappé par le coronavirus. En Algérie, les dépenses de fonctionnement de l’Etat ont été réduites de 30% en faveur de la riposte du covid-19.
  8. Manque de pro-activité dans les décisions. En RDC, le gouvernement réagit au lieu d’agir. Il n’anticipe rien dans cette crise de coronavirus. Retard dans la suspension des vols internationaux. Retard dans l’isolement de Kinshasa. Indifférence en ce qui concerne la réduction du train de vie des institutions de la République pour trouver les moyens conséquent dans la riposte contre le covid-19. Certes, la RDC n’était pas préparée à une telle crise mais le pays peut quand même tirer les leçons de ce qui se fait ailleurs afin qu’après la crise l’économie nationale puisse un tant soit peu survivre. Cela passe par des mesures fortes et ciblées sur les secteurs essentiels de la vie socioéconomique du pays. On ne voit pas le gouvernement mettre les jalons aujourd’hui pour  garantir l’approvisionnement durable des grands centres urbains en produits de première nécessité en cas de rupture des stocks chez les fournisseurs traditionnels des produits importés. Cela passe par la construction des routes des dessertes agricoles, le dragage du fleuve Congo qui est un boulevard naturel ou encore par l’octroi des crédits aux grands agriculteurs et aux coopératives agricoles du pays.
  9. L’imposition du port des masques sans remplir les préalables. Le port de masque est nécessaire pour éviter la contamination au coronavirus. De là à le rendre obligatoire, il y a quand même un hic. Premier pays contaminé dans le monde, les USA n’ont pas rendu obligatoire le port de masque. Il en est de même en France ou encore en Italie. Qu’à cela ne tienne. Tout le monde sait que  les grands dépôts pharmaceutiques sont dans la commune de la Gombe qui vient d’être confinée pendant deux semaines. Et donc, les commerçants du reste de la capitale ne se sont pas approvisionnés pendant ces deux semaines dans les dépôts pharmaceutiques pour disposer des stocks de masques à vendre à tous les Kinois qui en ont besoin. Mais, cela n’a pas empêché le gouvernement à prendre quand même la décision de rendre obligatoire le port de masque. Est-ce que le gouvernement peut dire combien de masques sont disponibles à ce jour à Kinshasa ? Est-ce que le gouvernement peut garantir l’approvisionnement de Kinshasa en masque durant tout le temps nécessaire, sachant que le masque est un produit à usage unique ? On ne pouvait pas prendre une telle décision sans au préalable garantir l’approvisionnement de la capitale en masques etlsa vente au prix convenable dans une société aussi pauvre. Toutefois, le challenge c’est de voir comment le gouvernement sera en mesure de doter en masque chaque policier durant leur service, tous les jours. Le masque se vend aujourd’hui jusqu’à 2 500 FC alors qu’il coutait entre 200 FC et 500 FC avant cette pandémie.
  10. Une task force fantomatique. Au regard de tous ces ratés ci-dessus énumérés, logiquement l’on ne peut pas dire qu’il y a une Task Force qui réfléchit sérieusement sur les meilleures stratégies dans la riposte contre le coronavirus en RDC. Dès lors, cette Task Force installée à la présidence n’est que l’ombre d’elle-même. Une structure budgétivore  dont on ne voit pas son apport dans la lutte contre le covid-19 en RDC. Le Secrétariat technique du Comité multisectoriel de la riposte contre le covid-19 qui est piloté par le Docteur Muyembe fait ce qu’il peut avec les moyens du bord. Ce Secrétariat technique a présenté un budget de 135 millions USD pour la riposte. Depuis, le gouvernement n’a donné aucune suite à ce jour alors que la pandémie va atteindre le pic des contaminations dans la première quinzaine du mois de mai. Muyembe reste le maillon fort dans cette riposte mais sans les moyens nécessaires, il ne pourra que continuer à faire la comptabilité macabre de cette pandémie. Au Sénégal, au 18 avril, il y avait 211 patients guéris, 135 sous traitement et 4 décès. Es-ce que la Task Force de la RDC a dépêché une équipe au Sénégal pour s’enquérir de leur expérience dans la riposte ? Ici, il y a des résultats parce que le gouvernement a débloqué 588 millions USD pour la riposte. Et, le Sénégal n’a pas tergiversé sur le traitement à accorder aux patients du covid-19 en optant sur l’hydroxy-chloroquine associée  l’azithromycine. En RDC, c’est le ministre de l’ESU qui a recommandé le docteur Vangu Lutete au ministre de la Santé pour que ce dernier fasse partie de l’’équipe de la riposte compte tenu de sa découverte d’une molécule associant la « citroplex » dont on enregistre des bons résultats dans le traitement des patients du covid-19. Pourtant, le Congolais lambda connaissait déjà les prouesses du Dr Vangu Lutete dans le traitement des malades du covid-19.

Amédée Mwarabu

 

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