Le nouveau rapport de The Oakland Institute estime que l'accord de Washington, signé entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda le 27 juin 2025 dernier, connu comme « Accord de paix », est une simple formalisation du pillage illicite des ressources minières de la RDC par les entreprises américaines, à travers le Rwanda.
Le rôle historique des USA dans le pillage des ressources minières du Congo
Selon ce rapport, « les bombes d'Hiroshima et de Nagasaki furent fabriquées à partir d'uranium provenant du Congo belge, ce qui illustre l'importance historique de l'approvisionnement en minerais congolais pour les États-Unis ».
Ce rapport indique par ailleurs qu'en 1960, la CIA a orchestré le coup d'État visant à renverser et à assassiner le Premier ministre démocratiquement élu du Congo, Patrice Lumumba, en partie « à cause des craintes qu'il ne nationalise les ressources minières ou ne les mette à la disposition du bloc soviétique pendant la guerre froide ».
Sous Mobutu, ancien président du Zaïre, actuelle RDC, les USA ont versé plus « de 400 millions de dollars d'aide militaire », qui ont permis au dictateur « de réprimer l'opposition à son régime autocratique ». Des sociétés américaines à l'instar de Freeport-McMoRan, qui a vendu ses actifs aux entreprises chinoises en 2010, se sont emparées de vastes gisements en RDC.
Un peu plus tard, les États-Unis ont retiré leur soutien à Mobutu au début des années 1990 et l'ont poussé à démissionner en 1997, tout en soutenant l'Ouganda et le Rwanda, qui s'étaient installés dans l'est de la RDC en 1996 comme alliés dans la guerre menée par Kabila pour renverser Mobutu, précise le rapport. Aussi, plusieurs généraux rwandais et ougandais, actifs dans l'actuelle guerre dans l'Est de la RDC, ont reçu la formation militaire américaine, à l'instar du président rwandais Paul Kagame.
Intégration régionale ou « formalisation » du pillage des ressources de la RDC
Le rapport précise que « l'intégration régionale, c'est-à-dire la formalisation des chaînes d'approvisionnement en minerais depuis les mines de RDC jusqu'au Rwanda », est une formalisation du pillage perpétré depuis plusieurs années par les entreprises américaines.
En effet, en marge de cet accord, les deux pays réduisent « les risques liés aux chaînes d'approvisionnement en minéraux..., en partenariat, le cas échéant, avec le gouvernement et les investisseurs américains », ce qu'ils appellent l'intégration régionale.
Or, le ministre rwandais de « l'intégration régionale », n'est autre que James Kabarebe, ancien chef d'état-major de l'armée congolaise. Force est de constater que M. Kabarebe lui-même est le « même haut responsable sanctionné par le Trésor américain début 2025 pour avoir orchestré le soutien du Rwanda au M23, coordonné l'exportation des minerais extraits de RDC et géré les revenus générés par cette extraction », indique The Oakland Institute.
« L'accord officialise ainsi l'exploitation des minéraux congolais après des décennies de contrebande de minerais par le Rwanda », peut-on lire dans le rapport.
Exploitation des minerais et impacts sur les économies de la RDC et du Rwanda
Le rapport indique que « la pérennisation du système actuel a des répercussions économiques considérables pour les deux pays ».
D'une part, « le Rwanda a connu une croissance exceptionnelle grâce au secteur minier. Entre 2017 et 2024, les exportations de minéraux du Rwanda ont augmenté de près de 500 %, passant de 373 millions à 1,75 milliard de dollars - l'or étant le principal produit d'exportation, représentant 1,5 milliard de dollars en 2024 », renseigne The Oakland Institute.
Qui ajoute :
« Cela pourrait n'être que la partie émergée de l'iceberg : en tant que plaque tournante majeure de l'or congolais illégal, les chiffres officiels des exportations du Rwanda ne représentent qu'une fraction du montant total qu'il envoie réellement à d'autres pays ».
D'autre part, le gouvernement de Kinshasa perdrait « chaque année un milliard de dollars de revenus provenant des ressources naturelles introduites en contrebande via le Rwanda ».
Le rapport reconnaît que la formalisation du commerce à travers l'accord de Washington « peut réduire ces pertes », mais souligne pour autant « qu'avec ses gisements minéraux bien plus importants, la RDC continuera d'être le lieu d'extraction, avec un coût social et environnemental énorme, tandis que le Rwanda bénéficiera de la transformation et de l'exportation de minéraux dans le monde entier ».
Bruno Nsaka