Le contrat sino-congolais, appelé « contrat du siècle », conclu en 2008 entre le gouvernement congolais et un consortium des entreprises chinoises, continue d’alimenter les débats en République démocratique du Congo. Un récent rapport rendu public sur le contenu de cette convention révèle des déséquilibres importants en défaveur de la RDC.
Dans le document, si la plateforme « le Congo n’est pas à vendre » (CNPAV) s’insurge contre les exonérations accordées aux entreprises chinoises, en les qualifiant d’« énormes », et à l’origine « des manques à gagner » pour le trésor public congolais, le gouvernement veut, quant à lui, sécuriser ces avantages. Du 17 au 22 novembre 2025, la première ministre a organisé, à cet effet, un atelier de réflexion portant harmonisation de vues sur la loi n°14/005 relative au régime douanier, fiscal, parafiscal, spéciale à cette convention.
« Ces assises ont rassemblé des experts issus de toutes les institutions, y compris la présidence, primature, cellule climat des affaires ou encore l’inspection générale de finances. L’objectif principal était d’harmoniser les interprétations de cette loi et de sécuriser juridiquement les exonérations accordées au programme sino-congolais dans le cadre de la convention de la collaboration conclu le 22 avril 2008 entre la République démocratique du Congo et le groupement d’entreprises chinoises », a déclaré la première ministre Judith Suminwa.
Selon la cheffe du gouvernement, ces assisses constituent des « avancées majeures » dans la gouvernance du programme sino-congolais, et pour « l’encadrement de la future convention de collaboration ». L’objectif pour le gouvernement à travers cet atelier est donc de parvenir au renforcement « de la transparence, l’efficacité ainsi que la crédibilité des actions du gouvernement », soutient-elle lors du 68ième conseil de ministres tenu ce vendredi 28 novembre 2025.
Malgré la revisitation de la convention en 2024 sur ordre de l’actuel président de la République, la RDC a perdu, suite à ces exonérations, 132 millions USD. En 2023, elle a perdu environs 443 millions USD, soit 16% de dépenses fiscales effectuées au cours de l’exercice, renseigne le rapport.
Publié en mars 2025, le document prévient que, dans les dix-sept prochaines années, la République démocratique du Congo pourrait perdre 7,5 milliards USD si la disposition légale n°14/005 portant régime fiscal, parafiscal, douanier, encadrant la convention n’est pas revue, ou si la réglementation du contrat n’est pas soumise au régime du code minier promulgué en 2018 par l’ancien président de la République.
Déjà, en 2008, la signature de ce contrat s’est effectuée sans une base légale, rappelle maître Baby Matabishi, membre de la plateforme, lors d’un entretien nous accordé. Le gouvernement avait, de ce fait, consenti ces exonérations fiscales et parafiscales, afin de faciliter le remboursement des prêts dédiés au financement des infrastructures et au développement du projet minier.
« Ce que nous essayons de démontrer, c’est ce déséquilibre structurel de la convention sino-congolaise, qui reste perpétuel. Nous avons démontré qu’elle posait vraiment des problèmes, ce sont notamment des questions liées aux exonérations totales accordées à ce projet, sa gestion dans un circuit parallèle que les institutions traditionnelles du gouvernement », nous expliquait-il lors de la publication du rapport sur les déséquilibres de l’avenant 5 du contrat.
Dans ce contrat, le trésor public congolais va bénéficier d’une part de 7 milliards USD pour la construction des infrastructures routières en raison de 324 millions USD par an et 624 millions pour l’année 2024, selon un mémorandum publié le 27 janvier 2024 par l’Inspection générale de Finances. Ce financement constitue tout de même un prêt remboursable par la partie congolaise.
Pour rappel, la convention repose sur un accord dit « infrastructures contre minerais », prévoit que la chine finance la construction des infrastructures, telles que les routes, hôpitaux… en échange de l’exploitation de gisements miniers, notamment le cuivre et cobalt, dont la RDC détient plus de 70% de réserve mondiale. Le remboursement se fait en grande partie via les revenus générés par l’exploitation minière, une joint-venture a été créée où la partie chinoise détient la majorité d’actions mais l’Etat congolais est également actionnaire à travers la Gécamines.
Les organisations de la société civile reprochent à la convention, au-delà d’énormes exonérations, le manque de transparence ainsi que des retards dans la livraison des infrastructures promises.
Jean-Baptiste Leni