Dans son nouveau rapport, Oakland Institute, un groupe de réflexion qui promeut le débat équitable sur les questions sociales, économiques et environnementales dans le contexte international actuel, alerte sur les impacts à long terme des accords en cours entre le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les entreprises américaines, suite à l'accord dit de Washington signé le 27 juin dernier entre la RDC et le Rwanda.
Cette structure compare les différents accords entre la RDC et les entreprises américaines à ceux avec les entreprises chinoises de ces dernières années. Avec la Chine, la RDC avait signé un accord « minerais contre infrastructures », connu sous le nom de contrat chinois, à partir de 2008. Cet accord n’a jamais bénéficié équitablement à la RDC, selon plusieurs rapports. Oakland Institute craint qu’il en soit de même pour les accords entre les entreprises américaines et l’État congolais.
L’Amérique pour supplanter la Chine
Le rapport d'Oakland Institute, qui cite le Council on Foreign Relations, renseigne que neuf des dix plus grandes mines de cobalt du monde sont désormais situées dans la région du Katanga, au sud de la RDC, et la moitié d’entre elles appartiennent à des entreprises chinoises. Les sociétés chinoises détiendraient également plus de 80 % des mines de cuivre du Congo.
« La valeur des échanges commerciaux entre la Chine et la RDC s’élevait à 27 milliards de dollars en 2024, dépassant largement le milliard de dollars d’échanges commerciaux du Congo avec les États-Unis la même année », peut-on lire dans le rapport.
Cette mainmise de la Chine sur les minerais du Congo fait que « la quasi-totalité des chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques utilisées par le Pentagone, l’armée américaine, dépendent d’au moins un fournisseur chinois, ce qui confère à Pékin un pouvoir considérable ». Ce qui justifie l’intérêt des États-Unis pour les minerais stratégiques du pays, pour contourner la Chine.
Aussi, plusieurs rapports démontrent que le contrat avec la Chine n’a pas profité à la RDC.
Des accords avec les entreprises américaines
Pour arriver à contrôler de vastes mines en RDC, des entreprises américaines se déploient à travers plusieurs accords avec le gouvernement. Parmi eux, Oakland Institute cite celui avec KoBold Metals, signé en juillet dernier « pour explorer des ressources minérales critiques sur plus de 1 600 km² ». Cette entreprise avait annoncé avoir acquis en mai 2025, « des droits sur le gisement de lithium de Manono grâce à un accord d’un milliard de dollars avec la société minière australienne AVZ Minerals ».
À l’Est de la RDC, America First Global, dirigée par Gentry Beach, proche collaborateur de Trump, a obtenu les droits d’exploitation de la mine de Rubaya, « qui produit la moitié du coltan du pays ».
Le rapport note également que « le mercenaire américain Erik Prince, fondateur de la tristement célèbre société militaire privée Blackwater et allié de longue date du président Trump, a signé un accord avec Kinshasa début 2025 pour contribuer au contrôle fiscal et à la lutte contre la contrebande de minerais ».
Déjà le gouvernement américain balise le chemin pour le transport des minerais, à travers le corridor de Lobito, une voie ferrée reliant les zones minières stratégiques de la RDC à l’Angola, en passant par la Zambie, qui a bénéficié de 553 millions USD, via l'Angola, pour financer sa construction.
Ces accords, espère Kinshasa, contribueront à la stabilisation sécuritaire. De nombreux observateurs voient à leur tour ces accords « minerais contre sécurité » comme un échec à long terme, au même titre que l’accord « minerais contre infrastructures » avec la Chine.
Des accords à l’avantage des communautés congolaises ?
Oakland Institute rappelle que lors de la signature de la déclaration des principes en prélude à l'accord de paix en avril 2025, le secrétaire d'État Marco Rubio a déclaré que les entreprises américaines sont de bonnes citoyennes et qu'elles apporteront une bonne gouvernance et garantiront des chaînes d'approvisionnement responsables et fiables pour des choses comme les minéraux critiques…
Propos qu'Oakland Institute juge peu crédibles, au vu du rôle des entreprises américaines dans la perpétuation des violences armées et de la fraude dans l'Est de la RDC. Ces sociétés sont connues pour leurs « violations des droits humains, de dommages environnementaux, de fraude financière, de corruption et d'évasion fiscale ».
Évoquant le cas du mercenaire, Oakland Institute indique qu'il est « à l'origine de graves violations des droits humains au cours des deux dernières décennies », et que « sa présence dans le pays fait craindre que, malgré une meilleure protection des mines, les communautés continuent de vivre en zone de guerre ».
Cette structure appelle le gouvernement à « se méfier des promesses des diplomates et des entreprises américaines », parce que « des études menées sur le continent montrent que les coûts de tels accords se font souvent sentir à long terme, car ils érodent le contrôle souverain et les bénéfices réels pour le pays».
« Le « développement » que les États-Unis promettent après l'extraction, la transformation et le transport massifs de minerais hors du pays est bien plus susceptible de profiter aux entreprises qu'aux communautés congolaises », précise le rapport.
Bruno Nsaka