Remplacement de Jules Alingete à la tête de l'IGF, l'heure est au bilan : entre positif et mitigé, quel qualificatif approprié ?

Jules Alingete
Jules Alingete
PAR Deskeco - 13 mai 2025 07:48, Dans Finances

Jules Alingete, chef de service de l'Inspection générale des Finances, a été poussé à la retraite par une ordonnance du président de la République rendue publique mercredi 7 mai dernier à la Radiotélévision nationale congolaise. Il est remplacé par Bitasimwa Bahii Christophe. Figure majeure du contrôle des finances publiques et de la lutte contre la corruption, parfois très controversée, Jules Alingete s'est révélé être un personnage emblématique de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption en République démocratique du Congo.

Nommé le 1er juillet 2020 par le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, son passage à la tête de l'IGF a souvent été perçu différemment. Cinq ans après, l'heure est au bilan après son remplacement. Deskeco vous propose deux avis partagés de l'ODEP et du CREFDL, deux structures de lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance.

Si l'Observatoire de la dépense publique (ODEP) salue son bilan, le Centre de recherche en finances publiques et développement local (Crefdl) l'estime, pour sa part, mitigé. Dans un communiqué publié au lendemain de son remplacement, l'ODEP a souligné le rôle « transformateur » de l'IGF sous le mandat de Jules Alingete, en faisant d'elle « une institution centrale de la redevabilité et du contrôle de l'action publique dans un pays où les mécanismes de transparence étaient historiquement fragiles ».

Pour Florimond Muteba, coordonnateur de cette structure, Jules Alingete a remis sur pied l'IGF, qui a incarné une « résistance à la prédation dans un pays où les institutions de contrôle sont souvent muselées ou instrumentalisées. Jules ALINGETE a incarné une rupture, un retour à l'éthique de la fonction publique », ajoute-t-il. « Son action a également démontré que l'administration publique peut redevenir un outil de service à la nation, lorsque les hommes qui la dirigent placent la loyauté envers la République au-dessus des arrangements de couloir ». Tout en précisant que « Ce qui fait la force d'une société libre, ce n'est pas l'absence de fautes, mais la capacité à les corriger ».

De son côté, Valery Madianga, coordonnateur principal du Centre de recherche en finances publiques et développement local (Crefdl), a jugé mitigé le bilan de Jules Alingete. Dans une interview accordée à Deskeco, cet expert en finances publiques estime qu'il a « un tout petit peu boosté » le contrôle des finances publiques, et ceci, dans « un contexte où les organes de contrôle étaient pratiquement au point mort, sans contrôle efficace des finances publiques. »

« Il y a eu plusieurs missions de contrôle d'abord au niveau des entreprises publiques, on a vu la suspension de mandataires publics grâce à ses missions, et cela a été suivi également de l'assainissement de la perception des recettes. Nous avons constaté que depuis qu'il a initié des missions, les recettes publiques ont connu une augmentation, il y a eu plusieurs entités qui ont été contrôlées avec des personnalités jugées intouchables, ça a un tout petit peu bousculé la gestion des finances », martèle-t-il.

Le cas typique qu'il a soulevé est le contrôle qu'il a pu engager sur le circuit de paiement des agents publics, notamment de l'ONATRA, où des dizaines de millions de dollars américains ont été révélés détournés au terme de la perception de la « redevance terrestre » au niveau du port de Matadi, par exemple. Valery Madianga salue également le fait qu'il ait réussi à renforcer le nombre d'inspecteurs de finances en vue d'intensifier le contrôle.

Il a par ailleurs relevé des dérives importantes enregistrées à partir de 2023 lors de son mandat, parfois en allant au-delà de ses attributions. Il illustre son propos par la mission de contrôle que l'IGF a menée à la Gécamines, transformée en mission de consultance, ce qui constituait une violation grave des principes de bonne gouvernance.

Cet acteur de la société civile a également dénoncé des dizaines de millions de USD de rétrocommissions perçues lors de la renégociation du contrat chinois, dont l'avenant 5 est teinté de pratiques de corruption et de malversations financières. Au-delà de ces failles, il mentionne des missions qui ont été « téléguidées » et sélectives, remettant en cause l'impartialité de l'IGF. Il recommande également la suppression de la patrouille financière, qui est, selon lui, « illégale », et qui relève d'une cogestion.

Jean-Baptiste Leni

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