Lors de son point de presse sur la situation sécuritaire et humanitaire dans les zones affectées par le phénomène Mobondo, tenu le 30 août dernier, la Commission diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP) a identifié la perception illicite de certaines taxes comme un moteur de la persistance du conflit. Selon cette structure, cette pratique est commune à la fois aux miliciens et aux militaires déployés dans la zone.
Selon la CDJP, les taxes illicites perçues sur l’axe Kinshasa-Mbakana rapporteraient aux militaires environ 16 500 000 Francs congolais (Fc) par mois.
« Les militaires ont érigé une barrière au Pont Mai-Ndombe et au Pont LUFIMI et exigent des transporteurs de véhicules 5.000 Fc et 1000 Fc par personne pour le transport en commun. 5 000 Fc par véhicule rapporteraient 7.500.000 Fc par mois, si 50 véhicules fréquentent la route. Par ailleurs, le 1000 Fc perçu sur chaque passager rapporterait 9 000 000 Fc par mois, dans le cas où la moyenne des passagers est de 300 par jour. La somme de 7 500 000 Fc pour les véhicules et celle de 9 000 000 Fc pour les passagers s'élève donc à 16.500.000 Fc », explique la CDJP.
Sur l’axe Dumi-biffe – Nkieme, 5 barrières sont érigées. Un motard paie 1000 Fc par barrière. Les usagers sont contraints de dépenser 5000 Fc par course, l’argent étant perçu par les militaires, dont le coût est supporté par les passagers, précise cette structure.
Sur l’axe Batshongo, les Mobondo exigent des taxes forcées de la population pour accéder à ses propres champs à partir de 3 à 4 km du village.
Dans les villages de Kinzono et Mampu, la CDJP rapporte que des maisons ont été démolies et leurs tôles vendues par les militaires.
« Cette situation place les déplacés qui regagnent leur village dans une situation difficile et les expose à la belle étoile », précise-t-elle.
Aussi, la population de Mampu est contrainte à des travaux forcés au bénéfice des militaires, notamment la fabrication de braises. Certains militaires sont même accusés de collaborer avec les Mobondo avec qui ils partagent les butins des pillages des biens de la population. La CDJP cite pour illustration la 11e région militaire déployée à Sogea, à Mongata.
Pour mettre fin à cette situation, cette structure appelle au rétablissement de l’autorité de l’État dans les zones affectées par ce phénomène, notamment dans les provinces de Kinshasa, Kwilu, Kwango, Mai-Ndombe et Kongo-Central.
Depuis son apparition dans le territoire de Kwamouth en 2022, le phénomène Mobondo a déjà causé la mort de plus de 5 000 personnes et fait plus de 700 000 déplacés, parmi lesquels 1 797 femmes enceintes et 194 orphelins, sans compter que environ 15 chefs coutumiers ont été tués avec certains membres de leurs familles et leurs conseillers à Kwamouth et Maluku. Par ailleurs, ces attaques ont fait perdre à Kwamouth 85 % de ses villages, ainsi que plus de 60 % des maisons incendiées. De plus, 80 % des champs sont inaccessibles, ce qui aggrave la situation humanitaire. Aussi, 70 % des établissements scolaires sont à l'arrêt.
Bruno Nsaka