En République démocratique du Congo, le franc congolais a connu, les deux dernières semaines, une appréciation rapide face au dollar, reculant de 2 850 à 2 246 FC selon le taux de change indicatif de la BCC, à 1 850 fc au taux parallèle, alors que les prix de biens demeurent élevés, affaiblissant ainsi le pouvoir d’achat de la population.
Dans une économie fortement dollarisée, telle que celle de la RDC, une appréciation brusque et rapide de la devise locale peut entraîner une forte perte, touchant non seulement au pouvoir d’achat de la population, mais aussi aux finances publiques, surtout lorsque les prix sur le marché et les dépenses restent élevées en devise locale. C’est d’ailleurs ce que soutient l’expert en finances publiques, Flory Mapamboli, autrefois conseiller au ministère de finances en charge de la trésorerie.
D’après lui, si cette appréciation s’accélère, il y a lieu que les recettes internes de l’Etat baissent, d’autant plus que les comptabilités des entreprises en République démocratique du Congo sont généralement dollarisées.
« Si cette appréciation continue, les recettes courantes baisseront, parce que les comptabilités des entreprises sont tenues en USD, les salaires dans le secteur privé sont payés en USD, alors que les dépenses contraignantes (payées en CDF) resteront les mêmes », explique Flory Mapamboli.
A lui d’ajouter,
« On risque également d'assister à une contraction de la demande globale. 90% des dépôts dans les banques sont en USD. Plus de 85% des transactions se dénouent en USD ».
Face à cette appréciation accélérée orchestrée par la Banque centrale du Congo, à travers l’injection de 50 millions de dollars sur le marché et la réduction du taux directeur, cet expert en finances publiques propose la stabilisation de CDF. Pour lui, « la confiance en la monnaie nationale viendra progressivement ».
Flory Mapamboli souligne, par ailleurs, qu’il faudra « éviter les fluctuations dans les deux sens (appréciation et dépréciation), à travers notamment les instruments de la politique monétaire disponibles.
Il propose, par ailleurs, à l’autorité monétaire à « accélérer les réformes sur la monétique en vue de la création d'un switch nationale en monnaie nationale, ainsi qu’encourager l'utilisation des moyens numériques en vue du dénouement des transactions en francs congolais.
Ces mesures, selon lui, doivent être accompagnées par la « mise en place des mesures incitatives et discriminatoires en vue de susciter la préférence du franc congolais par rapport aux devises étrangères, et l’accélération des réformes de mobilisation des recettes par le gouvernement, notamment la facture normalisée mise en place par le ministère de finances, la reprise d'exportation du cobalt ».
Il appelle le gouvernement à veiller sur la fixation des prix. L’affichage de prix en franc congolais ne suffit pas, comme annoncé par le ministère de l’économie, souligne-t-il, mais il faut s’assurer que les prix affichés sont justes.
Pour André Wameso, gouverneur de la Banque centrale du Congo, cette appréciation retrouvera son équilibre, mais il faudra la faire accompagner par des mesures structurelles, notamment une production locale, ainsi que la diversification de l’économie nationale.
A la 62ième réunion ordinaire du Conseil de ministres tenue vendredi dernier, Adré Wameso a recommandé au gouvernement le maintien d’une bonne coordination entre la politique budgétaire et monétaire, afin d’éviter les déséquilibres susceptibles d’affecter la stabilité de prix.
Face aux taux parallèles affichés par les cambistes, il a appelé à la poursuite de la surveillance rapprochée du marché de change et du secteur bancaire Le gouverneur a également appelé le gouvernement à diversifier l’économie à travers le développement de l’agriculture et des services, avec le but de réduire la dépendance à une économie basée uniquement sur les minerais.
Jean-Baptiste Leni
