La République démocratique du Congo (RDC) fait face à une situation paradoxale lorsqu'elle émet des adjudications de bons et obligations du Trésor, une forme de demande de l’État pour emprunter de l’argent sur le marché financier. Les investisseurs sont plus prêts à prêter de l’argent au gouvernement en devises étrangères, le dollar en l’occurrence, qu'en franc congolais, la monnaie locale.
C’est ce que démontre la note de conjoncture économique de la Banque centrale du Congo (BCC), publiée ce jeudi 16 octobre 2023, et qui couvre la période du 3 au 10 octobre 2023.
Selon ce document, le Trésor a retenu une soumission de 5,0 milliards de CDF au 7 octobre 2023, au titre des obligations du Trésor indexées, sur 60,0 milliards de CDF annoncés. Autrement dit, sur les 60,0 milliards de CDF que le gouvernement voulait emprunter sur le marché financier, il n’en a reçu que 5,0 milliards de CDF. Ainsi, le gouvernement n’a reçu que 8,33 % de l’argent qu’il voulait emprunter en francs congolais.
Par contre, le même document précise que les bons et obligations du Trésor en dollar américain ont connu un grand succès. En effet, sur les 70 millions de USD que l’État voulait emprunter sur le marché financier, il en a reçu 71,6 millions, soit un taux de couverture de 102,3 %. Ce qui prouve que l’État réussit mieux à emprunter en devises étrangères qu’en monnaie locale.
Manque de confiance des investisseurs dans la monnaie locale ?
Une des raisons pour lesquelles les investisseurs seraient prêts à prêter de l’argent en devises étrangères est leur manque de confiance dans la monnaie locale. Une autre raison est le taux d’intérêt proposé par le gouvernement, qui ne serait pas assez attractif.
Augmentation du risque de change
Emprunter de l’argent en devises étrangères augmente le risque de change. Le risque de change, c'est la probabilité de perdre de l’argent lorsqu’une monnaie perd de la valeur face à une autre, comme pour le cas d'une dette par exemple. Dans le cas de la RDC par exemple, le budget de l’État est élaboré et exécuté en franc congolais, et même l’argent pour liquider les dettes provient d'abord de la monnaie locale.
Ainsi, l’État pourrait être amené à payer un service de la dette plus élevé que ce qui était prévu dans le budget, suite à une dépréciation de la monnaie nationale.
Ce risque est bien réel en RDC. Fin 2023 par exemple, près de 98 % de la dette publique congolaise était constituée de dette extérieure, hormis les arriérés intérieurs, rendant le pays particulièrement sensible aux fluctuations des taux de change. En 2023, le franc congolais s’est fortement déprécié, avec une baisse de 24,6 % en glissement annuel.
Pour la période allant de 2025 à 2027, la dépréciation du FC face au dollar américain pourrait atteindre 25 %.
« Une variation modérée du taux de change impacterait à la hausse le service de la dette de 127,4 milliards de FC en 2025, 300,4 milliards de FC en 2026 et 339,5 milliards de FC en 2027, ce qui exercerait une pression sur le Trésor public », selon le ministère du Budget.
Bruno Nsaka