RDC : plus d’un milliard USD dépensés en procédure d’urgence à mi-2025, le Crefdl alerte sur une dérive budgétaire inquiétante

Présidence de la République
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PAR Deskeco - 25 oct 2025 10:52, Dans Finances

Le Centre de recherche en finances publiques et développement local (Crefdl) tire la sonnette d’alarme sur la multiplication des dépenses publiques exécutées sous procédure d’urgence au cours du premier semestre 2025. Dans une note d’analyse basée sur les états de suivi budgétaire à fin juin 2025, l’institution estime à plus d’un milliard de dollars américains le total des paiements effectués selon cette procédure exceptionnelle, censée n’être utilisée qu’en cas de nécessité absolue.

Selon sa note, les principales institutions publiques figurent parmi les plus grands utilisateurs de cette procédure. La Présidence de la République avec 240,9 millions USD, soit 55,3 % de ses dépenses exécutées en mode d’urgence. Elle est suivie de la Primature (27,8 millions USD, soit 45,9 %), tandis que la Vice-primature affiche un taux record de 100 % des dépenses en procédure d’urgence.
Du côté du Parlement, l’Assemblée nationale et le Sénat ont respectivement dépensé 13,5 millions USD (9,4 %) et 527 581 USD (0,8 %) selon ce même mode.

Les ministères régaliens apparaissent également dans la liste des gros consommateurs de la procédure d’urgence.
Le ministère de la Défense nationale arrive largement en tête avec 634,7 millions USD, soit 70,5 % de ses dépenses. Il est suivi du ministère de l’Intérieur (74,1 millions USD, soit 66,6 %) et du ministère des Affaires étrangères (8,6 millions USD, soit 31 %).
En revanche, certains ministères comme la Justice, les Transports ou encore la Communication et médias affichent des montants modestes mais non moins préoccupants.

Au total, les dépenses payées en procédure d’urgence atteignent 1 milliard USD, un niveau jugé anormalement élevé par le Crefdl.

Le Crefdl dénonce une dérive préoccupante et appelle à la discipline budgétaire

Pour Valéry Madianga, coordonnateur du Crefdl, cette tendance « compromet gravement la gestion des finances publiques ».

« La procédure d’urgence est une procédure d’exception. Elle ne devrait pas servir à payer des consommables, des billets d’avion, des fournitures de bureau ou des rémunérations. Cela démontre clairement que la chaîne de la dépense ne suit pas », déplore-t-il.

Cet expert en Finances publiques reconnaît que certaines dépenses, notamment les opérations militaires, peuvent légitimement être engagées en urgence, mais il s’inquiète du caractère systématique de ce recours.

« Nous avons constaté que même la ligne de rémunération est payée en mode d’urgence. Cela peut produire des effets négatifs en matière de gestion budgétaire, mais aussi ouvrir la voie à la corruption et au détournement de deniers publics », prévient-il.

Selon le Crefdl, les dépenses d’urgence ne devaient pas dépasser 5 % du total des dépenses exécutées, alors qu’elles représentent actuellement plus de 10 %.

Le centre plaide pour le renforcement de la discipline budgétaire, afin de rétablir la transparence et de favoriser les investissements publics.

« Le recours récurrent à la procédure d’urgence empêche la consommation normale du budget dans d’autres secteurs essentiels, notamment les infrastructures, l’éducation ou la santé », souligne encore Valéry Madianga.

En vue de remédier à cette indiscipline, le Crefdl appelle les autorités à restaurer la rigueur dans la chaîne de dépense publique, à limiter le recours aux procédures exceptionnelles et à renforcer les mécanismes de contrôle pour garantir une exécution budgétaire conforme à la loi de finances.

Pour rappel, ce recours excessif au mode d’urgence peut toutefois compromettre les engagements pris par le gouvernement avec ses partenaires techniques et financiers, dont le Fonds monétaire international.

Le FMI a toujours recommandé au gouvernement de réduire le recours de cette procédure, en vue d’assurer la transparence l’exécution de dépenses publiques, dans le cadre de son programme de Facilités élargie de crédit, visant à soutenir des programmes économiques et financiers pour la stabilisation de l’économie, renforcement des finances publiques et favoriser la croissance durable. 

Jean-Baptiste Leni 

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