RDC : l’ODEP interpelle le parlement, autorité budgétaire, de prendre à coeur la crise de la gouvernance des investissements publics

Florimond Muteba
Florimond Muteba, président de l'Odep
PAR Deskeco - 15 oct 2025 18:56, Dans Actualités

Le gouvernement Suminwa 2 a déjà soumis au Parlement le projet de Loi de Finances pour l’exercice 2026. Le projet traine à être examiné à cause des récents événements liés à la destitution du bureau de l’Assemblée nationale. L’Observatoire de la dépense publique (ODEP) attire l’attention des députés et sénateurs sur un enjeu fondamental pour l’avenir économique du pays : la place résiduelle accordée aux investissements publics dans la structure budgétaire nationale. 

"Depuis plusieurs exercices, la dépense publique congolaise demeure dominée par les charges de fonctionnement, tandis que les crédits destinés à l’investissement pourtant moteur de la croissance, de la création d’emplois et du développement territorial restent marginalisés, souvent exécutés à moins de 5 % de leurs prévisions initiales", a déploré l'ODEP dans un communiqué parvenu à DESKECO.COM.

Pour cette structure, "Cette situation traduit une crise structurelle de gouvernance budgétaire, où le budget de l’État, au lieu d’être un instrument de transformation économique et sociale, s’est progressivement réduit à un mécanisme de gestion administrative et de survie institutionnelle, source des détournements et de corruption". 

« Un budget sans investissements est une dépense sans avenir. »

L’Observatiire constate que les budgets successifs se sont transformés en instruments de gestion courante, centrés sur les dépenses de fonctionnement, au détriment des dépenses d’investissement. Cette dérive fragilise la croissance, freine la création d’emplois et entretient une dépendance structurelle vis-à-vis des partenaires techniques et financiers.

« Lorsque le budget ne construit plus de routes, d’écoles ni d’hôpitaux, il cesse d’être un outil de développement pour devenir un simple registre de dépenses. »

La structure estime urgent de restaurer la cohérence entre planification, programmation, budgétisation et suivi-évaluation (PPBS), principe cardinal des finances publiques modernes, en particulier la gouvernance des investissements publics.

À cet effet, l’organisation recommande la réhabilitation du sous-compte investissement à la Banque centrale du Congo (BCC), outil qui, par le passé, garantissait la traçabilité, la discipline et la centralisation des financements des investissements publics.

« La rigueur budgétaire ne consiste pas à réduire les dépenses, mais à investir chaque franc public là où il produit le plus de valeur collective. »

À en croire l'ODEP, la réactivation de ce mécanisme permettrait de réaligner les dépenses publiques sur les priorités nationales, de renforcer le rôle du ministère du Plan comme chef d’orchestre de la politique d’investissement, et de restaurer la confiance dans la gestion des finances de l’État.

Par ailleurs, l’ODEP invite le gouvernement à faire du Budget 2026 un véritable budget de transformation, en rompant avec la logique de court terme et en privilégiant les investissements à fort impact socio-économique.

Selon l'Observatoire, les priorités doivent porter sur les secteurs pro-pauvres entre autres les infrastructures de base (routes, énergie, eau potable) ; l’éducation et la formation professionnelle ; la santé publique ; la réhabilitation du secteur agricole et rural et la promotion des PMI en amont et en aval du secteur agricole. Ces investissements doivent être sélectionnés selon des critères de rentabilité socio-économique, de viabilité financière et de contribution à la réduction des inégalités territoriales.

« Tout franc investi dans l’éducation, la santé ou les infrastructures est un franc investi dans la stabilité et la paix sociale. »

En outre, l’ODEP recommande la publication trimestrielle de l’exécution physique et financière des projets d’investissement ; le renforcement du contrôle parlementaire et citoyen ; la poursuite systématique des auteurs de détournements et de surfacturations constatées par la Cour des comptes et l'Inspection générale des finances (IGF).

"La RDC a besoin d’un budget de transformation, fondé sur l’investissement, la transparence et la performance."

L’ODEP souligne que la lutte contre la corruption et les détournements n’est pas une option politique, mais une exigence légale et morale pour la crédibilité de l’État.

Pour la structure, l’investissement public ne constitue pas une simple ligne dans le budget de l’État. Il incarne un acte de souveraineté économique, un engagement de justice sociale et un devoir de responsabilité politique.

 "C’est à travers lui que l’État manifeste sa volonté de prendre en main son développement, de réduire sa dépendance structurelle à l’aide extérieure et de répondre concrètement aux besoins fondamentaux de sa population.
Lorsqu’il est planifié, exécuté et évalué avec rigueur, l’investissement public devient un vecteur de transformation structurelle : il renforce les capacités productives, soutient l’industrialisation, crée des emplois durables et nourrit une croissance inclusive et résiliente. À l’inverse, son absence fragilise la souveraineté nationale, accentue la dépendance financière et entretient la pauvreté multidimensionneque", indique l'Odep

L'ODEP estime, en définitive, que "réhabiliter l’investissement public, c’est redonner au budget national sa vocation première : être un instrument de développement, de cohésion sociale et de dignité nationale".

À l’heure où le gouvernement attend le vote du budget 2026 par le Parlement, l’ODEP appelle l’autorité budgétaire à un sursaut de responsabilité et de vision stratégique.

"La RDC ne peut plus se contenter d’un budget de fonctionnement : elle a besoin d’un budget de transformation, fondé sur l’investissement, la transparence et la performance", a-t-on lu dans le communiqué.

 Bienvenu Ipan

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