Dans un communiqué publié ce mercredi 2 juillet 2025, l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) alerte sur les dérives profondes de l’accord de paix signé le 27 juin 2025 entre la République démocratique du Congo et le Rwanda sous la médiation des États-Unis d’Amérique, soulignant des failles structurelles qu’elle estime susceptibles de compromettre la souveraineté nationale, la justice pour les victimes et la transparence démocratique.
1. Une cogestion opaque des ressources stratégiques
L’ODEP dénonce une « ambiguïté dangereuse » dans la gestion conjointe des ressources sensibles, telles que le lac Kivu, les parcs nationaux et les minerais critiques. Cette disposition, introduite sans débat parlementaire ni consultation nationale, crée selon l’organisation un précédent inquiétant : la dilution de la souveraineté économique de la RDC au profit d’un partenariat régional déséquilibré.
« Cette disposition alimente les craintes d’un affaiblissement de la souveraineté économique de la RDC, en renforçant une politique d’économie extravertie, où les ressources nationales sont intégrées à des circuits régionaux sous influence étrangère. Au lieu de privilégier la transformation locale et la maîtrise nationale, l’accord institutionnalise une gouvernance partagée avec des acteurs extérieurs dans un cadre incertain et à fort risque géopolitique », peut-on lire.
2. Risque d’institutionnalisation d’une tutelle sécuritaire étrangère
Autre sujet d’inquiétude majeur : le Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité. Autorisant l’échange de renseignements et des déploiements conjoints entre forces congolaises et rwandaises, ce dispositif pourrait, selon l’ODEP, « empiéter sur la souveraineté sécuritaire de l’État congolais ». Il ouvre la voie à une perte de contrôle opérationnel, notamment dans les zones riches en minerais, exposant la RDC à des interférences extérieures durables.
« Ce dispositif, s’il n’est pas strictement encadré, peut empiéter sur la chaîne de commandement nationale et réduire la capacité autonome de la RDC à contrôler son territoire, notamment dans les zones minières », fait savoir l’ODEP.
3. Absence d’un mécanisme clair de justice transitionnelle
L’ODEP souligne que l’accord omet des dimensions essentielles liées à la vérité, à la justice et à la réparation des victimes des violences armées, notamment celles perpétrées par le M23, un groupe accusé d’être soutenu par le Rwanda selon plusieurs rapports des Nations unies. Pour l’ODEP, toute démarche vers une paix durable doit impérativement passer par la reconnaissance des souffrances endurées par les populations civiles et par la mise en place de mécanismes de réparation crédibles.
4. Insuffisante participation nationale et absence de consultation citoyenne
L’accord a été négocié et signé sans implication visible des organes législatifs, des forces vives de la nation ni des représentants des victimes. Cette méthode « top-down » pose un problème de légitimité démocratique et expose le texte à une remise en question sociale et politique à l’avenir.
5. Silence sur le retrait des troupes rwandaises et du M23 : un déséquilibre narratif inquiétant
L’ODEP relève que l’accord ne contient aucune disposition explicite exigeant le retrait des troupes rwandaises et des supplétifs du M23 de l’Est de la RDC, pourtant identifiés comme acteurs actifs du conflit. En se concentrant exclusivement sur la neutralisation des FDLR, sans reconnaître l’agression du territoire congolais par des forces étrangères, le texte consacre un déséquilibre diplomatique, élude les responsabilités établies par les rapports des Nations unies et fragilise les fondements d’une paix juste, fondée sur la vérité et la souveraineté territoriale.
Jean-Baptiste Leni