La République démocratique du Congo vient de se doter d’une proposition de loi portant protection des lanceurs d’alerte. C’est le résultat d’un atelier qui a réuni, du 1er au 3 octobre 2025 à Kinshasa, des acteurs institutionnels, législateurs, partenaires internationaux et la société civile. Une fois cette proposition de loi votée, le pays aura ainsi comblé un vide juridique critique qui laissait dans l’ombre et l’insécurité des citoyens qui choisissaient, par devoir civique, de s’élever contre les abus, la fraude ou la corruption.
« Mais ce travail ne s’arrête pas aujourd’hui. Bien au contraire, il commence ici. L’atelier que nous clôturons marque le point de départ d’un processus collectif et continu. Dans les semaines et mois à venir, il nous faudra transformer ces idées en textes juridiques, porter ces propositions auprès des décideurs politiques, sensibiliser l’opinion publique et maintenir la mobilisation citoyenne », a, dans son mot de clôture, déclaré le directeur Afrique de l’Ouest et francophone de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF), Jimmy Kande.
Il a, à cet égard, déterminé le rôle de chacune des parties prenantes :
« Aux parlementaires, nous faisons confiance pour porter cette cause au sein de l’Assemblée nationale et inscrire le projet de loi à l’agenda législatif ; aux institutions publiques, nous demandons de créer un environnement propice à la mise en œuvre de ces mécanismes ; à la société civile et aux médias, nous comptons sur votre vigilance, votre plaidoyer et votre capacité à faire vivre ce débat dans l’espace public ; à nos partenaires techniques, enfin, nous pensons compter sur votre appui pour garantir que ce futur cadre juridique soit conforme aux meilleures pratiques internationales et aux exigences de l’État de droit ».
Quelques avancées majeures intégrées dans ce dispositif juridique pour garantir son efficacité
À en croire Jimmy Kande, « la protection des lanceurs d’alerte est plus qu’un outil juridique : c’est une promesse faite à chaque citoyen que sa voix compte, que la vérité ne sera jamais punie et que la justice prévaudra toujours sur l’impunité. C’est cette promesse que nous devons aujourd’hui tenir ensemble ».
Tout en remerciant les participants et toutes les parties prenantes pour leur engagement et leur détermination, il a recommandé : « Ensemble, faisons en sorte que les travaux de ces trois jours soient le socle d’une avancée historique pour la RDC et un signal fort pour tout le continent africain : celui d’un avenir où parler n’est plus un risque mais un droit protégé ».
Pour sa part, le président du réseau des parlementaires africains contre la corruption (APNAC-RDC), le député Jean-Pierre Pasi Zapamba, a souligné quelques avancées majeures intégrées dans ce dispositif juridique pour garantir son efficacité : une hiérarchie de signalement pragmatique claire, interne, puis externe, et seulement en dernier recours, la divulgation publique ; des sanctions pénales lourdes prévues contre tous ceux qui cherchent à se venger, contre quiconque divulgue l’identité du lanceur d’alerte (sauf en cas de procédure judiciaire) et contre l’employeur qui exercerait des représailles professionnelles. Simultanément, l’impunité pénale, civile et disciplinaire pour le lanceur d’alerte est clairement affirmée ; l’inversion de la charge de la preuve (une fois que le lanceur établit une simple présomption de soupçons raisonnables, il incombera désormais à l’employeur de prouver que son action est étrangère à l’alerte).
Intégrer un mécanisme d’incitation financière et assurer l’indépendance de l’inspection générale de la protection d’alerte
Autre résultat, cet atelier a décidé de la création d’une inspection générale de la protection des lanceurs d’alerte au sein de la Commission nationale des droits de l’homme pour recevoir et suivre des alertes. L’APNAC a formulé deux recommandations clés pour les législateurs : envisager d’intégrer un mécanisme d’incitation financière, une récompense pour les alertes majeures ; et assurer à l’inspection générale de la protection d’alerte son indépendance structurelle et des ressources financières et humaines nécessaires pour fonctionner efficacement dès le premier jour de l’entrée en vigueur de la loi, une fois votée.
Bienvenu Ipan