Suspension du cobalt : un Expert minier déplore le manque à gagner pour la RDC, et appelle à la levée de la mesure, mais sous une certaine condition

Léonide Mupepele, expert minier
Léonide Mupepele, expert minier
PAR Deskeco - 16 sep 2025 14:51, Dans Mines

Le gouvernement congolais va devoir réévaluer sa mesure reconduite en juin dernier sur la suspension des exportations de cobalt sur le marché mondial. Une annonce sur cette mesure est possiblement attendue ce vendredi à l’issue de la 59ième réunion du conseil de ministres. Pour Léonide Mupepele, expert dans le domaine minier, cette mesure ne profite plus à la République démocratique du Congo depuis sa reconduction.

Dans une interview accordée à Deskeco ce mardi 16 septembre 2025, il justifie cela par le fait que les prix de cobalt ont stagné durant les trois derniers mois de la suspension.

« Est-ce qu’il faut encore reconduire la mesure de la suspension d’exportation de cobalt ? Non. Ça ne changera pas grand-chose. On a vu la première fois quand la mesure a été prise, les prix ont bougé de façon sensible, passant de 21 mille dollars la tonne à 33 mille. On a gagné 13 mille dollars et puis après, lorsque la mesure a été reconduite pour une deuxième fois en juin, qu’est-ce que l’on a gagné jusqu’aujourd’hui ? juste 1000 dollars ? d’autant plus qu’actuellement la tonne de cobalt se vend entre 34 à 34 500 dollars la tonne ? cela ne sert à rien de reconduire cette mesure encore, car cela ne change pas grand-chose », déclare-t-il.  

A lui d’ajouter, 

« Le prix actuellement est déjà bien mais ce n’est pas ce qu’on espérait, parce qu’il ne faut pas oublier, le prix de cobalt dans le passé est arrivé à plus de 100 mille dollars la tonne, j’espère que l’objectif du gouvernement n’est pas d’arriver à ce montant-là, parce qu’un cobalt trop cher peut amener les industriels à pouvoir rechercher d’autres solutions ».

Léonide Mupepele attire, par ailleurs, l’attention du gouvernement sur la demande actuellement réduite de cobalt dans les industries internationales.

« Déjà, le cobalt, son utilisation dans la mobilité électrique, a été réduite, parce qu’au lieu d’utiliser les quantités de l’époque où, dans les batteries où l’on utilisait le cobalt dans les mêmes proportions que le Nikel et le manganèse, c’est-à-dire autour de 30%, c’est-à-dire, un kilo de cobalt pour un kilo de lithium, pour un kilo de manganèse, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. On est actuellement dans des chimies qui utilisent 8 kilos de nickel pour un kilo de manganèse, un kilo de cobalt. On a sensiblement diminué la quantité de cobalt dans les batteries par exemple » indique-t-il.

Il appelle par contre le gouvernement à lever cette mesure de la suspension, et l’autorité de régulation (ARCOMS) de proposer des mesures durables et en long terme visant à l’accompagner, pour qu’il n’y ait pas une chute libre de prix à la suite du stock conservé par des entreprises minières durant la mesure.  

« Le problème, c’est qu’il faut accompagner cette mesure par des dispositions en long terme. Il ne faut pas que lorsqu’on suspend les exportations, que les marchés réalisent que le stock est toujours là, il est en attente, il n’est pas sorti de circuit de commercialisation. Ces mesures en long terme existent, et peuvent permettre, si l’on doit reprendre les exportations, qu’il n’y ait pas une chute de prix d’une amplitude incontrôlable. C’est ce qu’il faut craindre », martèle-t-il.  

S’agissant de la mesure de quota pour l’évacuation de stocks, l’expert reste sceptique sur son respect par les entreprises minières. « C’est très difficile quand on parle de quota pour qu’il soit respecté, en chaque fois que dans ce genre de marché contingenté, qu’on a parlé de quota, les entreprises ne l’ont jamais respecté », rappelle-t-il.  

Le gouvernement devra réfléchir sur l’évacuation de quantités que les entreprises ont stockées sans en subir des conséquences, ainsi que sortir du circuit de la commercialisation. 

« Cependant, ce à quoi, il faut réfléchir, c’est comment sortir le stock bloqué au sein des entreprises, et comment sortir du circuit de la commercialisation. Il y a des solutions par rapport à cela, je suppose que les gens d’Arecoms réfléchissent sur ça, pour pouvoir sortir définitivement ces quantités dans les entreprises. Ils peuvent faire appel à des experts pour réfléchir sur la question pour une solution en long terme qui permet à la RDC de ne faire chuter les prix avec une amplitude sans précédent », insiste-t-il. 

Jean-Baptiste Leni 

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