Potentiel fiscal sous-exploité en RDC : six communes de Kinshasa n'ont capté que 21% de leurs recettes entre 2021 et 2023, selon une étude qui dénonce la mauvaise gouvernance

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PAR Deskeco - 27 nov 2025 16:22, Dans Finances

Dans un rapport rendu public ce mercredi 26 novembre 2025, le Centre de recherches en finances publiques et développement local (Crefdl) révèle que 6 communes de la ville de Kinshasa n’ont réalisé que 21 % comme moyenne de recettes réellement captées par rapport à leur potentiel, entre 2021 et 2023. Ces communes ont pourtant un vaste potentiel fiscal et peuvent favoriser le développement à la base. Le rapport met en évidence des mauvaises pratiques de corruption et de mauvaise gouvernance dans la mobilisation des recettes des communes, proposant des solutions pour une amélioration future. Les bourgmestres des communes concernées, les conseillers communaux, les acteurs de la société civile, la presse, les députés provinciaux, ainsi que les délégués de la Commission européenne ont pris part à l’atelier de restitution, à l’hôtel du fleuve Congo de Kinshasa.

Faiblesse dans la mobilisation des recettes

Les communes concernées par l’enquête sont Gombe, Kasa-vubu, Lemba, Masina, N’sele et Kimbanseke. En effet, sur les prévisions cumulées de la période indiquée estimées à plus de 19,4 milliards de francs congolais, ces communes n’ont capté qu’un peu plus de 4 milliards de francs congolais. L’étude révèle que la commune de Kasa-vubu est la plus performante, avec une réalisation de recettes atteignant 69,6 %, tandis que Gombe, une commune à plus forte potentialité, n’a réalisé que 17,1 % de son potentiel fiscal pour la période indiquée.

Selon le rapport, les communes n’exploitent pas tous les actes générateurs à leur portée pour une bonne réalisation des recettes. Sur 34 actes transférés par le pouvoir central, 7 seulement sont exploités par les communes, à savoir les actes de mariage, la taxe de la vente de charbons de bois et bois de chauffage, les amendes transactionnelles, la taxe d’autorisation de morcellement des concessions de moins de 50 ares, ainsi que la taxe d’autorisation des motos de transport en commun. Ceci représente 20 % des actes générateurs des recettes, tandis que 44,11 % d’actes sont mobilisables et 35,29 % ne sont pas activés ou ne sont pas adaptés au contexte local. Le Crefdl regrette que l’impôt personnel minimum, « censé révolutionner les finances publiques locales n’est pas activé ».

« Pourtant, son potentiel estimé pour certaines communes pourrait dépasser 1 million USD par an », a indiqué Paulin Kibendelwa, expert au Crefdl.

Il estime également que la « taxe professionnelle annuelle (TPA) peut à elle seule soutenir le fonctionnement de la commune ».

Pratiques de corruption et de mauvaise gouvernance

Le rapport révèle plusieurs pratiques de mauvaise gouvernance dans la mobilisation des recettes, notamment l’existence de circuits parallèles, où « des individus non identifiés (agents "Nouvelle Unité", membres de cabinet) collectent les taxes en marge du système officiel ». Aussi, « les autorités locales perçoivent directement certaines recettes, contournant l'ordonnateur et le comptable public ».

Le document indique que « la totalité des recettes collectées est dépensée directement et journalièrement, sans jamais entrer dans la caisse de l'État ».

Exploiter pleinement le potentiel fiscal des communes de Kinshasa

Pour parvenir à exploiter pleinement le potentiel fiscal des communes de la ville de Kinshasa et booster le développement à la base de ces entités territoriales décentralisées, le Crefdl recommande notamment la « digitalisation complète du circuit de la recette pour éliminer les circuits parallèles et assurer une traçabilité totale des fonds », la création urgente d'un fichier (registre) fiscal unifié, informatisé et sécurisé de tous les contribuables (particuliers et entreprises) », ainsi que l’ouverture d’un compte unique par commune à la Banque centrale du Congo (BCC) pour y verser les recettes.

L’Union européenne pour la transparence et la bonne gestion des finances publiques en RDC

Ce rapport s’inscrit dans le cadre de la mission de l’Union européenne d’assistance technique au partenariat entre l’UE et la RDC, avec comme objectif de contribuer au développement économique et social durable de la République démocratique du Congo (RDC). Les objectifs sont entre autres la réduction des inégalités et la stabilisation durable du pays.

« La gestion des finances publiques est encore une question de confiance entre les citoyens et l’État. L’enquête et les résultats présentés aujourd’hui s’inscrivent aussi dans le cadre de l’appui que l’UE accorde à la RDC, pour appuyer la décentralisation financière et renforcer la gouvernance locale », a dit Caïvano-Garcia Mario, chef de section gouvernance économique de la Commission européenne lors de la présentation du rapport.

Il espère aussi que les résultats d’une telle enquête soient le point de départ des réflexions et d’amélioration de la gouvernance au niveau local en RDC.

Bruno Nsaka

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